- TECTITES
- TECTITESLes tectites (du grec 精兀精礼﨟, «fondu») sont des verres naturels produits par l’impact de gros bolides (météorites, comètes?) sur la surface terrestre. Ce sont donc des «impactites», c’est-à-dire des roches transformées en verre sous l’action d’un métamorphisme induit par un choc. Contrairement aux impactites proprement dites, que l’on recueille aux abords immédiats des cratères d’impact, les tectites sont distribuées «en essaims» dans des lieux géographiques déterminés, situés à plusieurs centaines, voire peut-être à des milliers de kilomètres des cratères qui leur ont donné naissance. Sur les quatre champs de distribution connus, deux ont pu être reliés à leur cratère d’origine; dans les deux autres cas, les cratères associés n’ont pas été découverts.Distribution géographiqueLes quatre champs de tectites connus à ce jour sont différents par leur étendue et leur âge de formation.Les datations des tectites du Texas, de Géorgie et du Massachusetts (bédiasites ), aux États-Unis, sont celles qui remontent le plus haut: 33 millions d’années (Ma). Le cratère d’origine n’a pas été localisé; il est possible que l’érosion l’ait effacé.Les tectites de Bohême et de Moravie (moldavites ) sont de même âge (14,7 Ma) que les impactites du cratère du Ries (diamètre du cratère: 24 km), situé à une distance de 250 à 400 km à l’ouest, à Nordlingen (Allemagne).Les tectites de Côte-d’Ivoire (1,3 Ma) sont de même âge que les impactites recueillies au voisinage du cratère Bosumtwi (Gh na), à 300 km à l’est du champ de tectites. Le diamètre du cratère associé est de 11 km. Les tectites de Côte-d’Ivoire et les impactites du Bosumtwi présentent des rapports isotopiques (87Sr86Sr et 1816O) très voisins. Cela signifie que le matériau source des tectites porte la marque des roches précambriennes dans lesquelles le cratère Bosumtwi a été formé.Alors que les trois précédents champs de distribution ont des dimensions relativement restreintes (de 2 000 à 5 000 km2), celui d’Australasie recouvre un dixième de la surface terrestre, si on lui attribue les «microtectites» trouvées au cours des forages dans la mer du Japon et dans l’océan Indien (jusqu’à quelques centaines de kilomètres à l’est de Madagascar), dans la même couche de sédiments marins quaternaires. En ne tenant compte que des tectites de masse supérieure à 1 g, l’aire de répartition s’étend sur 20 millions de kilomètres carrés, de la Tasmanie à la Chine du Sud (Australie, Java, Philippines, Malaisie, Indochine, Thaïlande). Les tectites distribuées sur cette immense surface sont les plus récentes (0,7 Ma). On ne connaît pas le cratère qui est à l’origine de cette très vaste distribution, ce qui constitue une difficulté majeure pour expliquer l’extension de ce champ.Caractères morphologiquesLa masse des tectites varie de 1 g à 13,2 kg. Dans le champ d’Australasie, où les objets sont le mieux conservés, les morphologies varient du sud au nord. En Australie, les formes à symétrie de révolution prédominent; elles sont totalement absentes en Indochine, en Thaïlande et en Chine du Sud; dans les régions intermédiaires (Java), les formes régulières sphéroïdales et irrégulières (larmes, poires, plaquettes) coexistent.La morphologie très caractéristique de certaines tectites recueillies en Australie (australites «en boutons») ne peut, semble-t-il, s’expliquer que par deux processus de fusion successifs: une fusion primaire, suivie d’un refroidissement rapide, qui produit d’abord une sphère vitreuse rigide; une fusion partielle ultérieure qui, formant un bourrelet autour de la sphère primaire, donne à l’objet l’aspect d’un bouton (fig. 1). Cette modification d’une sphère vitreuse rigide a été reproduite en laboratoire et attribuée à un réchauffement lors de la traversée de l’atmosphère à très grande vitesse (5 à 10 km/s), cause d’une ablation (perte de masse par volatilisation partielle) [fig. 2]. Dean R. Chapman et Howard K. Larson, à partir de considérations aérodynamiques, ont estimé des angles et des vitesses d’entrée dans l’atmosphère pour les australites «en boutons», qui, d’après ces auteurs, ne pourraient provenir que de la Lune.Caractéristiques minéralogiquesSi les impactites proprement dites [cf. MÉTÉORITES] présentent une composition minéralogique très hétérogène, mélanges de parties vitrifiées avec de nombreuses inclusions de cristaux et de fragments de roches, les tectites, elles, sont caractérisées par la composition homogène de leur verre qui ne contient, pour l’essentiel, que des inclusions de silice vitreuse (lechateliérite ). La texture fluidale est souvent observée dans ces verres, ainsi qu’une biréfringence par effets de contraintes résultant du taux de refroidissement très rapide.Des recherches approfondies ont permis d’identifier dans certaines tectites des inclusions de différentes phases minérales qui ne constituent qu’une composante très mineure mais cependant très significative: quartz, coésite (forme de haute température et de très forte pression de silice cristallisée, dont la présence autorise le diagnostic d’une origine par impact), baddeleyite (ZrO2), résultant de la transformation in situ par réchauffement à très haute température (vers 2 000 0C) de cristaux de zircon. La présence de ces inclusions indique que les tectites ont été formées par des impacts, seules sources d’énergie qui puissent à la fois produire de fortes pressions et de très hautes températures. La découverte, dans certains objets, de sphérules de fer-nickel, de composition analogue à certains fers météoritiques, a confirmé le diagnostic d’une origine par impact de bolides.Composition chimiqueCes verres, très riches en silice (de 65 à 82 p. 100 de Si2), contiennent aussi des teneurs relativement abondantes en oxydes de fer (de 1 à 5 p. 100 de FeO), de calcium et de magnésium (de 0,5 à 4 p. 100 de CaO et de MgO). De ce point de vue, leur composition chimique ne peut être reliée à aucune séquence de différenciation magmatique terrestre; dans les roches magmatiques, les proportions de silice et d’éléments ferromagnésiens varient en effet toujours en sens inverse. En revanche, les teneurs en éléments mineurs ou en traces (cf. éléments en TRACES) de ces verres s’accordent avec celles qui ont été mesurées dans de nombreuses roches terrestres sédimentaires, métamorphiques ou éruptives. La meilleure concordance pour les éléments en traces, indicateurs géochimiques, a été obtenue pour des roches sédimentaires siliceuses (grès, arkoses).Origine des tectitesDarwin, en 1844, attira l’attention du monde savant sur ces objets en décrivant une tectite «en bouton», recueillie en Australie, qu’il considérait comme une bombe volcanique ayant été projetée dans l’atmosphère. En 1900, Eduard Suess, qui attribua le nom de tectites à ces verres, y voyait des météorites vitrifiées. Depuis lors, les difficultés pour expliquer à la fois les formes de certaines tectites, leurs compositions chimiques et les mécanismes de leur formation ont alimenté une polémique entre spécialistes qui discutaient (et parfois discutent encore) de leur origine terrestre ou extraterrestre (par impact d’un bolide sur la Lune et capture d’une fraction des ejecta par la Terre). Pourtant, les rapports isotopiques du plomb mesurés dans les tectites de différents champs (à l’exception de celui de Côte-d’Ivoire) correspondent aux plombs terrestres actuels. En outre, les rapports isotopiques de l’oxygène, du strontium et du plomb indiquent que les tectites de Côte-d’Ivoire ont été formées à partir du même matériau source précambrien que les impactites recueillies aux abords du cratère Bosumtwi. Enfin, les rapports isotopiques de l’oxygène et surtout du strontium et du plomb déterminés sur les roches lunaires ramenées par les diverses missions Apollo ont montré que les tectites ne peuvent pas provenir de la Lune.Dans le cadre d’une origine terrestre, il reste à expliquer comment le champ d’Australasie a pu être formé sans qu’il ait été encore possible d’identifier le cratère d’impact. L’âge très récent de ces tectites et leur très grande surface de distribution devraient impliquer, par analogie avec le cratère de Bosumtwi, l’existence d’un cratère de 200 km de diamètre et de 10 à 20 km de profondeur. Ce cratère, s’il existait, aurait sans doute été découvert, car les phénomènes d’érosion n’auraient pu être actifs au point de faire disparaître en 700 000 ans une aussi vaste structure circulaire. Pour écarter cette difficulté, Harold C. Urey a proposé l’idée que les tectites sont produites par des impacts de comètes sur la surface terrestre. Celles-ci produiraient des cratères très vastes mais peu profonds, donc difficiles à détecter. Cette hypothèse ne paraît pas entièrement convaincante puisqu’il existe au moins un cratère normal – le Bosumtwi – qui est, de manière certaine, à l’origine des tectites de Côte-d’Ivoire.Si l’origine terrestre des tectites est aujourd’hui prouvée, les mécanismes de formation et de projection à de grandes distances – de plusieurs centaines à plusieurs milliers de kilomètres à travers l’atmosphère – de ces verres produits par impacts de bolides ne sont pas entièrement élucidés.
Encyclopédie Universelle. 2012.